"Il était près de neuf heures lorsque Henri
"Il était près de neuf heures lorsque Henri se gara sur le parking de la supérette d’Etretat.
Une
fois le contact coupé, il resta encore un peu dans sa voiture, le temps
que la chanson qui se jouait à la radio et qui le mettait de si joyeuse
humeur se termine. Puis hop, dans un élan, il sortit.
Ses
talons claquèrent en un bruit sec sur le macadam défoncé. Il huma
l'air, s'emplit les poumons. Plus haut les mouettes riaient déjà. Il
n'eut pas un regard pour les quelques clients qui attendaient
l'ouverture du magasin accoudés à leurs caddies. Il se dirigea d'un pas
guilleret vers l'arrière du bâtiment, dépassa un tas de palettes et
entreprit de traverser le terrain vague.
Bien qu'il ait eu du mal à prendre sa décision,
il était maintenant très heureux, soulagé, même, et ne pensait plus
qu'à cette mission qu'il s'était fixé, espérant de tout coeur que les
résultats seraient à la hauteur de son attente. Il arriva bientôt à
l'extrémité du village, et s'arrêta un instant, émerveillé comme à
chaque fois par la vision de la mer et du paysage grandiose qui
s'étendait face à lui.
Alors, oubliant une seconde qu'il était attendu à neuf heures et huit
battements de coeur précisément ! Une phrase de son ami Robert Sabatier
lui monta à la gorge : " Si je pouvais écrire avec des algues, toute la mer tiendrait dans un seul mot. "
Son regard fixait la mer. S'accordant un peu de
temps, son esprit se reposait au creux des vagues. Il ne voulait rien
précipiter. Mais les minutes s'écoulaient. Il salua la mer et s'en alla
au rythme du vent, quand tout à coup, au détour d’une pensée, il se retrouva les
quatre fers en l’air ! Choc aussi violent qu’inattendu. Mille couleurs se
précipitaient dans ses yeux.
Des étoiles dans la
tête, sonné, hagard, Henri tenta de se redresser. Il avait beau se concentrer,
rien ne lui indiquait ce qu’il faisait là, allongé au sol, la caresse du vent
pour seule compagne.
Il vit des visages déformés se pencher, ils ressemblaient aux gargouilles de la cathédrale. Corps inerte, les figures fantasmagoriques se multipliaient au-dessus de lui, obscurcissant le ciel. Les odeurs iodées se mélangeaient aux effluves nauséabonds de la mort."
Relais : sicotin-Madame Lustucru-Bulles de Grenouille-La Môme Poison-Liliba-Servanne-Ces petits bonheurs-Dentelle et arsenic-Les Mots Partagés-Livres et vous, livres émois...